La réalité du chien dit «actif» est relativement compliquée : et s’il n’est pas rare de devoir inciter certains propriétaires à bouger son chien « un peu plus » quiconque a partagé sa vie avec un chien très speed, fit et légitimement entraîné sait que de le «fatiguer » est – souvent – un vœu assez pieux 😆
Parce qu’il existe une montagne d’excellents propriétaires (quoi qu’on en dise) : j’ai rencontré une foultitude de clients, souvent jeunes et sportifs eux-mêmes, ayant adopté en toute connaissance de cause un chien de nature sportive et active et qui sont passés rapidement d’une heure de balade à deux, puis trois, puis quatre heures par jour – j’ai même eu un jeune couple de deux jeunes hommes qui se relayaient l’un après l’autre pour balader leur chien la bagatelle de six heures par jour 😯 (sans arriver à la moindre amélioration du comportement destructeur de leur chien d’ailleurs, qui était incapable de se poser à la maison).
Quand la balade nez au vent dans la nature ne suffit pas à atteindre le nirvâna du «un chien fatigué est un chien sage» et que le chien arrive à l’âge de pouvoir pratiquer, on ajoute l’agility, le frisbee, le lanceur de balles (post balade), etc. etc.
Ensuite, à la maison, «il a ses jouets » à disposition 😕
Dans certaines races dont le potentiel sportif est énorme, ces super athlètes (rendus tels par leurs propriétaires pleins de bonne volonté), on se retrouve avec un chien littéralement «increvable » parfois (et des propriétaires épuisés qui – hagards – voient leur chien leur apporter la balle à la maison, et parfois vocaliser si on les ignore, genre « je m’ennuie », alors que les humains sont exténués et, accessoirement, ont aussi besoin / envie de faire autre chose que d’amuser le chien).
Quand on se retrouve avec un chien adolescent très actif et que, à un moment dans la journée, vous avez l’impression qu’il va dévorer vos possessions une à une, on sort et on va « le fatiguer ». On balade, on lance des trucs divers et variés, on joue au frisbee ou tout ça en même temps ou successivement, longtemps. Très longtemps parfois.
Rassurez-vous, je ne vais pas vous pondre une litanie anti-sports canins : les chiens qui s’ennuient sont légion (eux aussi) et toute activité canine bien introduite me semble excellente à prendre (et puis, soyons un peu francs : tout le monde prend un chien pour une quelconque forme de gratification et le nier me semble très hypocrite – je laisse ça aux plus « saints d’entre nous »).
Tous mes chiens ont des vies bien sportives, des tas d’apprentissages au clicker et, néanmoins, savent parfaitement me « lâcher les baskets » (et moi lâcher les leurs) – vivre comme des chiens pendant leurs balades, se poser à la maison et attendre tranquillement quand je travaille d’autres chiens, même en salle.
Quand mes enfants étaient petits et qu’ils avaient besoin de se défouler physiquement, il n’était pas approprié de leur proposer une activité de lecture ou un jeu de réflexion même s’ils adoraient les moments de lecture et les bricolages tranquilles – l’un ne peut empêcher l’autre, l’autre ne doit exclure l’autre.
Par ailleurs, adopter un chien sportif, à moins d’une monumentale erreur de casting (cela arrive aussi et même plutôt souvent, mais ce n’est juste pas la thématique du jour), implique qu’on ait envie de faire des trucs avec son chien – sinon, on porterait judicieusement son choix sur une race moins exigeante à ce niveau là.
Ce qu’on oublie souvent dans notre vision du « j’ai pris un chien sportif et j’assume » c’est que toute forme d’activité dynamique, génère une montée d’adrénaline considérable – chez des sujets qui montent très, très vite en excitation déjà de par leur génétique (la sélection au chien ultra speed est très réelle et parfois un peu délirante aussi).
L’impasse est souvent atteinte parce que le chien n’a aucun apprentissage du «calme» et vit en état d’excitation perpétuelle (ce qui peut aider à se construire un chien dit « réactif » – qui aboie sur les autres chiens, qui aboie quand les gens bougent, qui « exige » car aux prises avec des émotions qu’il ne peut plus gérer).
J’ai des clients propriétaires de chiens ultra sportifs chez qui je vais parce que le chien ne leur laisse plus un instant de tranquillité et qui me disent, soucieux de ne pas me voir les taxer de ne pas « assumer leur chien », qu’ils baladent 3 heures par jour, jouent au frisbee, vont à l’entraînement d’agility, lancent la balle et rentrent, malgré tout, à la maison avec un chien littéralement insupportable dans ses demandes d’interaction (et qui, parfois, pendant l’entretien de comportement, lancent le jouet inlassablement à leur chien qui vocalise aussitôt qu’ils s’arrêtent).
A ces personnes, je propose avant tout d’en faire beaucoup moins ou, plutôt de faire très différemment (et là, ils me regardent ahuris – j’ai un chien « sportif » Madame). Oui, moi aussi 😀
… et on se met à bosser sur l’apologie du « calme » 😀
Parce que oui, parfois on peut avoir le beurre et l’argent du beurre, on peut avoir un chien actif et sportif ET calme.
Renforcer le calme : souvent, quand on a un chien qui ne se tient « jamais tranquille » à la maison, quand le chien se pose (enfin) sur son dodo, on aurait tendance à surtout ne plus le déranger du tout (versus les montagnes de renforcement quand il provoque, inévitablement, l’attention quand il prend la télécommande, bouffe vos coussins du salon, vole votre chaussure à l’entrée, etc.).
C’est, souvent, précisément ainsi que nous fonctionnons avec les enfants – qu’on ignore quand ils sont « sages » (comprendre n’ennuient personne) et dont on s’occupe très activement aussitôt qu’ils ne sont plus « sages » (comprendre font quoi que ce soit pour attirer l’attention).
On s’étonne ensuite de la construction d’enfants « insupportables » alors qu’on renforce avec constance et systématique tous les comportements inappropriés et qu’on ignore les autres.
Que vous « croyiez » ou non, aux lois de l’apprentissage ne les empêchera pas d’exister…. ce sont des forces en action qui feront leur boulot quelles que soient vos convictions culturelles personnelles 😉
Quand j’incite les propriétaires à aller « renforcer » ces moments de calme, par une friandise ou une séance de câlins (si le chien apprécie la séance de câlins évidemment), on me répond – horrifié – «ah mais non, il va se lever » (quelle horreur) 😀
Oui, il va se lever pratiquement à coup sûr, je vous le confirme et là, il va falloir tout simplement recommencer ce que vous étiez en train de faire sans faire cas du chien (pas toujours facile au début). Faute de mieux, il finira par retourner à son dodo ou sa position de calme (les miens ont une fâcheuse tendance à ignorer leurs dodos hors de prix et à dormir sur le sol, à la dure). Là, vous retournez renforcer ce moment de calme…. en lâchant quelques friandises sur le dodo ou en débutant une séance de câlins-massages très calmes.
Avant de débuter ce travail – prenez note de combien de minutes / heures votre chien est calme dans son dodo – quelques 15 jours plus tard reprenez à noter les moments de calme dans le dodo…. je vous parie qu’ils auront augmenté 😉
En parallèle, virez les jouets qui sont au sol ou dans le panier accessible au chien, virez les coussins, rangez la télécommande et autres opportunités de devoir « réagir » aux « bêtises » de votre chien (qui, au contraire, se montre très intelligent car il a rapidement compris comment vous contraindre à interagir).
Apprenez à votre chien à réagir à un « interrupteur positif » (un petit bruit quelconque que vous associerez, hors contexte de « bêtises » à quelque chose de hautement gratifiant, surtout si vous avez utilisé son nom, encore et encore, pour le stopper dans ses comportements inappropriés).
Un travail sur la détente – comme le protocole de relaxation de la Dr. Karen Overall, l’exercice de détente sur le dodo de Nan Arthur (qui sont des protocoles à suivre étape par étape). Cela n’a strictement rien à avoir avec un exercice de travail du style « va à ta place » – qui fait appel à un conditionnement opérant – à savoir, appris, renforcé où le chien choisit ce qu’il sait être « payant ». Ces protocoles se focalisent sur l’émotion du chien, favorisent la détente 😀
Vous les trouvez aisément via une petite recherche Google, ils nécessitent, à mon sens, l’accompagnement d’un éducateur compétent, en tous cas au début 😀
Pensez à l’olfaction – pensez « tapis de fouille » (ou snuffle mat), pensez à la technique des « Sprinkles » 😀 (votre éducateur / trice pourra vous aider à mettre ces techniques en place).
Si votre chien mange des croquettes, pensez à passer à une alimentation BARF et ajoutez du kéfir que vous ferez maison ou des comprimés de probiotiques – c’est bénéfique de toute façon et la relation entre l’émotionnel et l’état de la flore intestinale est de plus en plus mis en avant en médecine humaine.
Certains produits naturels – comme la L-Théanine (thé vert), ou la caséine (protéine du lait) peuvent – parfois – aider votre chien à se détendre et ne créent aucune accoutumance (parlez-en à votre véto).
Réévaluez si votre chien gagne vraiment quelque chose à voir certains « copains chiens » avec qui le jeu est souvent très agité et confine, parfois, à l’affrontement.
Réévaluez si ses séances de sport en club finissent par une excitation qui devient ingérable (réactivité en laisse, réactivité en libre sur les autres chiens, les humains, etc.) – il faudra probablement arrêter ces activités quelques temps. Parlez-en avec votre coach – s’il connaît son travail, il saura parfaitement comprendre vos motivations et construire, avec vous, un retour à l’entraînement qui tient la route.
Apprenez à votre chien un signal « libre » : à partir de celui-ci, il peut faire ce que bon lui semble mais SANS interaction avec vous (surtout en balade) et, question de le rendre crédible, tenez-vous à celui-ci.
Quand vous travaillez votre chien au clicker, travaillez sur le contrôle de l’impulsion sur chaque comportement appris, sans exception. Le chien qui vous balance son répertoire de connaissances n’est pas « rigolo » ni « mignon » mais frustré avant tout et ça n’a rien d’une émotion agréable.
Le concept du contrôle de l’impulsion sur les comportements est le parent (très) pauvre des personnes qui ont appris le clicker training « sur le tas » (via Youtube et quelques articles).
Faites des balades en longe en suivant votre chien là où il souhaite aller – la longe vous permettra de le laisser tranquille vaquer à sa vie de chien sans devoir l’appeler constamment vers vous si le rappel n’est pas acquis. S’il tire, n’avancez pas en ligne droite mais faites un parcours suffisamment sinueux et renforcez quand il vous suit.
Oui, vous pourrez revenir aux jeux, au sport, au club…. MAIS en continuant vos protocoles d’apprentissage du « calme » et en mixant savamment votre progression entre périodes de calme et périodes d’excitation (à ce sujet, il vous faudra l’aide d’un éducateur compétent).
Le chien étiqueté comme « insupportable », « ingérable », ultra demandeur et qui finit par régir l’intégralité de la vie de son propriétaire (qui, parfois, ne reçoit plus personne chez soi, est épuisé par la gestion du chien) est une des causes d’abandon les plus fréquentes ou alors une des causes de prises de psychotropes le plus courantes : alors que, souvent, il s’agit tout simplement de chiens qui auraient eu besoin d’un apprentissage au calme systématique dès leur plus jeune âge, plutôt que d’une débauche d’activités excitantes afin de favoriser une très hypothétique – et improbable – « fatigue ».
Happy training 😀
Rédigé par l’excellente Cynthia Edelman de MagicClicker
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